Bonjour à toutes et à tous !

Il y a quelques semaines, je sortais de mes sentiers battus musicaux pour vous parler de La vraie vie de Bigflo & Oli. Aujourd’hui, je retourne dans le monde du rap français pour vous parler de mon artiste préféré en la matière : Orelsan. Malgré un énorme coup de cœur pour son single La Terre est ronde en 2011, je ne me suis intéressé à sa discographie qu’au début de cette année et ça a été une véritable révélation pour moi. C’est même grâce à lui que je me suis ouvert au rap français, genre que je dénigrais facilement auparavant, et plus généralement à la musique française. Ses deux premiers albums solo, Perdu d’avance (2009) et Le chant des sirènes (2011), ainsi que ses deux albums avec Gringe pour les Casseurs Flowters, Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters (2013) et Comment c’est loin (2015), tournent depuis des mois en boucle dans mes oreilles. Mais là n’est pas le sujet puisque l’album qui va être à l’honneur en ce jour est La fête est finie, son troisième album solo sorti le 20 octobre dernier. Son retour tant attendu est-il concluant ? Réponse tout de suite.

 

« ORELSAN PART. 3 »

C’est sur le sombre mais accrocheur San que l’album s’ouvre, un titre introspectif où le rappeur fait le point sur sa situation, sa vie personnelle, sa carrière et sa façon de penser. Il apparaît alors tout de suite que La fête est finie, qu’il qualifie de « dernier volet d’la saga », incarne la maturation du personnage. Orelsan a changé et l’adolescent rebelle et immature de Perdu d’avance a laissé place à un homme toujours aussi cynique et désabusé mais plus mature. Le deuxième très bon morceau éponyme, La fête est finie, va ainsi dans ce sens : le « jeune cool » qui passait son temps à faire la fête et à s’amuser est devenu plus sérieux, à tel point qu’il apparaît désormais comme « l’oncle bizarre » qui cherche à « rester d’actualité ». C’est dans le morceau qui clôture ce troisième album que ce point atteint son paroxysme, la percutante Notes pour trop tard (feat. Ibeyi), chanson à la fois calme et mélancolique dans laquelle il nous invite tout comme lui à mettre notre vie en perspective et à nous interroger sur toutes les situations dans lesquelles on a pu se trouver. Avec son titre fondé sur un jeu de mot, il achève néanmoins l’expérience sur une note d’espoir en nous incitant à relativiser toutes les mauvaises choses auxquelles on a pu être confrontés.

 

« ENTRE TEMPS J’AI TROUVÉ LA BONNE MEUF »

À côté de cela se trouvent de nombreux autres morceaux aux thématiques déjà abordées par le rappeur dans le passé mais qui scellent l’évolution de sa mentalité. Par exemple, s’il a toujours eu tendance à créer la polémique à travers des morceaux sexistes et beaufs, on réalise ici que son rapport aux femmes a beaucoup évolué. Alors que deux morceaux leurs sont consacrés, La lumière et Paradis, on a la surprise de découvrir qu’il est désormais un homme posé et heureux en ménage, le premier évoquant sa rencontre, alors qu’il était drogué lors d’une soirée, avec la femme qui va « changer [s]a vie » et le deuxième étant une ode à l’amour où il rejette le paradis pour sa compagne. Malheureusement, abusant légèrement de l’autotune sur l’un et utilisant une production peu convaincante qui ne lui ressemble pas sur l’autre, il en ressort les deux morceaux les moins intéressants de ce troisième album. De plus, qui aurait cru qu’avec un titre intitulé Bonne meuf le rappeur se placerait volontairement dans la situation d’une « bonne meuf » pour évoquer sa célébrité, tout en précisant que de son côté, il a « trouvé la bonne meuf » ?

 

« J’LA DÉTESTE AUTANT QU’JE L’AIME »

En effet, son rapport à la célébrité est un de ses thèmes préférés et il fait à nouveau son retour sur cet album. On a déjà évoqué l’excellent, dansant et légèrement provocateur Bonne meuf, mais c’est aussi un thème qu’on retrouve dans le huitième titre, Quand est-ce que ça s’arrête. À travers une production assez légère et très accrocheuse, ce dernier fait écho à Bonne meuf grâce à son côté provocateur plus poussé cachant en réalité une véritable forme de désillusion : la célébrité est loin d’être telle qu’il l’imaginait étant plus jeune, idée qu’il concrétise en affirmant qu’il « croyai[t] qu’c’était cool d’être célèbre ». Autre thème que l’on retrouve à nouveau, son amour, toujours sous forme de « je t’aime moi non plus », pour sa ville natale : Caen. Commençant par nous la faire visiter dans son intégralité à travers ses souvenirs d’adolescent dans le meilleur titre de l’album, Dans ma ville on traîne, il l’évoque sous un autre aspect beaucoup plus cliché dans le morceau en featuring avec Stromae, La Pluie, qui s’impose également comme l’un des meilleurs. Affirmant sans complexe que « y a la pluie en featuring dans toutes [s]es phrases », il avoue que la domination du mauvais temps est un des aspects qui lui manque le plus dans cette ville qu’il n’hésite pas à comparer à sa première copine : « ma ville est comme la première copine que j’ai jamais eue, j’peux pas la quitter pourtant j’passe mon temps à cracher d’ssus ». Deux titres à ne surtout pas manquer !

 

« FAUT QU’ON REVOIE LES BASES »

Attention cela dit, que les puristes se rassurent, l’ancien Orelsan qu’on aimait tant est toujours là quelque part et il nous le fait savoir à travers plusieurs titres. On peut notamment citer le lead single, Basique, où le rappeur enchaîne les remarques cinglantes pour évoquer des thèmes de société sur fond d’un beat terriblement puissant ou encore le savoureux Défaite de famille, digne descendant de Jimmy Punchline où il affirme qu’il « déteste les fêtes de famille » avant d’en mettre littéralement plein la gueule à chaque personne qu’il évoque dans une présentation pleine de rancœur des membres (fictifs –ou faussement fictifs ?–) qui composent sa famille. Il montre également qu’il est toujours capable de s’amuser avec Christophe, en featuring avec Maître Gims, un morceau fun et frais teinté d’autodérision dans lequel il rigole sans conteste du fait qu’il fait de « la musique de noir », à savoir du rap, face à un Maître Gims qui ne « comprend toujours pas pourquoi autant d’blancs [l]e kiffent ». Restent alors deux morceaux et non des moindres : l’envoûtant Tout va bien, qui fait office de deuxième single, dont la production aux sonorités orientales signée Stromae sert de vecteur à un texte engagé où Orelsan dénonce implicitement le fait que le monde trouve toujours des excuses pour fermer les yeux sur les problèmes de notre société ou encore le diablement efficace Zone, featuring tant attendu avec Nekfeu où on regrette néanmoins la présence de Dizzee Rascal qui tend à casser l’excellent rythme de cette chanson sombre mais assez festive.

 

Six ans après son deuxième album solo, Orelsan fait donc un retour fracassant avec cet album terriblement attendu. Dans l’ensemble moins agressif au profit de sonorités plus douces et mélancoliques avec des productions toujours aussi efficaces signées Skread, le rappeur achève au travers de ses quatorze titres son évolution en tant que personne. Plus discret, plus sincère mais toujours accompagné d’un certain désabusement à coups de punchlines bien placées, il nous offre un album profond et criant de vérité grâce à un ensemble de textes toujours aussi bien écrits. Après avoir mis « la moitié d’[s]a vie pour savoir c’qu’[il voulait] », être devenu un véritable « san » (« ‘san’ ça veut dire ‘monsieur’ ») et nous avoir offert « le dernier volet d’la saga », on attend avec impatience de voir ce qu’il va bien pouvoir nous offrir d’autre !

4 commentaires sur « La fête est finie d’Orelsan : l’album de la maturité ? »

  1. Bien vu et belle écriture, j’aime terriblement cet album. Je dirai comme toi que j’ai commencé à m’y intéresser quand il a sorti son deuxième album et avec « la fête est fini » il entre dans sa « maturité » mais reste tenter par l’adolescence.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci à toi ! 😊 Je pense qu’il restera éternellement adolescent d’un côté, même s’il gagne en maturité il reste un homme qui refuse de grandir et c’est ça qui me plaît chez lui parce que quelque part c’est un sentiment qu’on a tous, seulement lui il l’exprime et il ne s’en cache pas.

      Aimé par 1 personne

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