Bonjour à toutes et à tous !

Tandis que l’arrivée de Detroit : Become Human approche de plus en plus, j’ai enfin eu l’occasion de me pencher sur Beyond : Two Souls, le dernier jeu en date de Quantic Dream sorti sur Playstation 3 il y a quatre ans déjà. Tout comme son aîné Heavy Rain, jeu aussi acclamé que détesté par l’opinion publique et véritable précurseur en matière de « film interactif », ce nouveau titre nous propose de suivre l’histoire de Jodie Holmes à travers une expérience très cinématographique reposant essentiellement, pour le joueur, sur des phases de QTE à choix multiples qui orienteront le déroulement de la suite du jeu. La différence étant alors que le gameplay et la forme narrative ont entièrement été revus. Le résultat est-il pour autant convaincant ? Réponse tout de suite.

 

L’étrange histoire de Jodie Holmes

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Beyond : Two Souls nous place aux commandes de Jodie Holmes, une jeune femme possédant d’étranges pouvoirs surnaturels grâce au lien psychique qu’elle entretient avec une mystérieuse entité du nom d’Aiden. Plusieurs questions se posent alors naturellement : qu’est-ce que cette entité ? d’où vient-elle ? depuis quand est-elle là ? quelle est la nature de sa relation avec Jodie ? Autant de questions auxquelles nous allons obtenir des réponses au compte-gouttes à travers une narration tout à fait particulière puisque l’histoire de Jodie nous est contée de manière éclatée.

 

Une narration particulière pour une vie hors du commun

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En effet, chacun des chapitres du jeu se place sur une longue frise chronologique représentant les moments clés de la vie du personnage, qui s’étendent sur une longue période puisqu’ils comprennent aussi bien des moments de son enfance, de son adolescence que de sa vie d’adulte. Néanmoins, et c’est sur ce point que repose toute l’originalité du jeu, les scénaristes ont choisi de ne pas dévoiler l’histoire de manière chronologique en préférant nous faire vadrouiller à travers les époques de la vie de Jodie de manière complètement désordonnée (à noter cependant, la possibilité de suivre l’histoire chronologiquement vous est quand même proposée au lancement de la partie). Un parti pris qui possède aussi bien ses avantages que ses inconvénients puisque si d’un point de vue purement narratif cela nous permet de découvrir les informations clés au moment voulu pour plus de suspense et de surprise, cela peut également entrer en conflit avec l’idée même de « film interactif » sur lequel le joueur possède une véritable influence.

 

Joueur spectateur, joueur co-auteur : une frontière floue

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La possibilité de voir Jodie en ado gothique dépend d’un choix fait au cours d’un précédent chapitre

Soyons clair, nous avons bel et bien une influence sur les événements du jeu… mais (presque) uniquement sur le court terme, c’est-à-dire sur le chapitre en cours. Pour remettre les choses dans leur contexte, Quantic Dream s’était montré très clair sur ce sujet : Beyond n’a jamais eu la prétention de proposer autant d’embranchements qu’Heavy Rain, où chaque décision du joueur pouvait fondamentalement changer le destin d’un des personnages et de l’histoire, parfois de manière très punitive. Le studio voulait cette fois-ci offrir une expérience narrative plus dirigée où le joueur possède une certaine influence sans pour autant que les conséquences de ses actions ne soient majeures sur le déroulement de l’histoire. Le contraire aurait de toute façon été difficile sachant qu’il n’y a qu’un seul personnage, plus encore sachant qu’ils ont fait le choix d’adopter une narration éclatée. Pour cause, cette dernière tend à faire de chaque chapitre une histoire « indépendante » par rapport à l’histoire complète, même si quelques conséquences peuvent se faire ressentir d’un chapitre à l’autre. Mais dans l’ensemble, il apparaît clairement que le développement de certains éléments sont imposés par le scénario et donc inévitables, quand même bien on aurait fait un ou des choix opposé(s) lors de précédent(s) chapitre(s). De plus, le jeu se montre souvent très permissif lors des séquences les plus tendues : pour rater quelque chose ou obtenir la « mauvaise issue », il faut vraiment le vouloir puisqu’il faut en général rater toutes les actions contextuelles ou attendre de longues minutes sans rien faire. Autant dire qu’à moins d’être vraiment mauvais ou de vouloir voir un embranchement alternatif lors d’une nouvelle partie, le jeu ne tient pas à ce que les événements les plus néfastes se produisent.

 

Une mise en scène intense pour une histoire palpitante…

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Point de vue d’Aiden, en pleine coopération avec Jodie

Mais rassurez-vous, tous les éléments soulevés précédemment ne veulent pas dire pour autant que l’histoire en ressort bourrée d’incohérences et moins intense, bien au contraire. Tout comme Heavy Rain (mais de manière moins poussée quand même), Quantic Dream fait mouche grâce à la qualité d’écriture d’une narration maîtrisée de bout en bout et sublimée par un grand sens de la mise en scène. Quelques chapitres suffisent à nous faire éprouver toute l’empathie du monde pour Jodie qui n’a clairement pas une vie facile et qui se retrouve parfois dans des situations absolument déchirantes à nous en briser le cœur. Il en va de même pour tous les autres personnages qui ont tous beaucoup de charisme et dont les histoires nous feront également ressentir empathie et compassion, quand bien même certains de leurs actes peuvent nous paraître discutables. Le jeu est d’autant plus intense qu’il est composé de nombreuses séquences diverses et variées allant de la narration pure à l’action, en passant par l’infiltration, et ce quand les trois ne sont pas réunis en un seul et même chapitre. Le phénomène est tel que certains d’entre eux apparaissent comme une histoire au sein de l’histoire et s’ils ne semblent pas fondamentalement indispensables au scénario, ils permettent de donner plus de profondeur à Jodie et de mieux appréhender son caractère ou encore la nature de ses pouvoirs, en plus de soulever des questions sociétales et engagées tout à fait intéressantes, sans même prendre de gants.

 

…renforcés par une réalisation de qualité

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Sans surprise de la part d’un jeu de notre cher studio français, la réalisation est bien entendu au rendez-vous. Graphiquement superbe dans son ensemble, Beyond : Two Souls tire surtout son épingle du jeu du réalisme saisissant du visage de ses protagonistes et de leurs expressions faciales ainsi que de la motion capture effectuée par les acteurs en question, parmi lesquels se trouvent notamment Ellen Page (X-Men, Inception) et Willem Dafoe (Spider-Man). Rien que cela. Sans oublier la présence d’un doublage français et d’une bande-son signée Lorne Balfe et Hans Zimmer, tous deux de grande qualité. On pourrait cependant reprocher une accumulation abusive d’effets lors de certaines séquences, à tel point qu’il en devient difficile de voir ce qu’il se passe à l’écran, ou encore l’impossibilité de modifier la luminosité du jeu, rendant certaines séquences difficiles car trop sombres.

 

Le gameplay : l’éternel vilain petit canard

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Lorsque l’écran se teinte de cette manière et que l’action ralentit, il faut orienter le stick droit dans la bonne direction pour réussir l’action contextuelle (ici, vers la gauche)

Après avoir évoqué en long, en large et en travers la narration et l’aspect visuel du titre, passons avant de finir au gameplay, élément moins central mais néanmoins essentiel de ce « film interactif ». À l’instar d’Heavy Rain, c’est sur ce point que reposent les principaux défauts du jeu. Pour cause, Beyond : Two Souls souffre d’une certaine rigidité dans le déplacement du personnage et d’une caméra parfois capricieuse, en particulier lorsqu’elle se met à trembler dans tous les sens lors de certaines phases d’action. Il en va de même pour le contrôle d’Aiden qui n’est pas des plus intuitifs puisqu’il est quant à lui si souple qu’on en arrive à se perdre dans les décors lorsqu’on est pas en train de tourner en rond pour identifier ce qu’on attend de nous lorsqu’on en a le contrôle. Quant au système de QTE lié aux phases d’action (combats et esquives), s’il se révèle être diablement classe et efficace, il peut également se montrer très frustrant dans le sens où il n’est pas toujours très clair. En effet, il a l’originalité d’être lié au joystick droit et non aux touches : lorsque l’action ralentit, le joueur doit orienter le joystick dans le sens du mouvement entrepris par Jodie, ce qui signifie qu’aucune indication n’apparaît à l’écran. Seulement, selon l’angle de caméra, il est facile de s’y perdre et de ne pas l’orienter correctement. Heureusement, comme dit plus haut, le jeu est très permissif et rater une ou plusieurs QTE est rarement synonyme d’échec.

 

En conclusion, il ne fait aucun doute que Beyond : Two Souls vaut le détour. Régulièrement et assez justement comparé à Heavy Rain pour sa forme, l’expérience apparaît néanmoins manette en main radicalement différente. Loin de nous laisser autant de libertés sur le déroulement des événements que dans son précédent jeu, Quantic Dream a le mérite de nous raconter une histoire terriblement intense, touchante et haute en couleur sur laquelle on dispose tout de même d’un certain contrôle. Ainsi, s’il est assurément moins mémorable du point de vue du gameplay, cela n’empêche pas au titre de se démarquer de n’importe quel autre titre narratif grâce à l’expérience unique qu’il procure. Il faut croire que le studio n’a pas encore fini de nous montrer de quoi il est capable en matière de « film interactif ».

10 commentaires sur « Beyond : Two Souls, un jeu à l’âme unique »

  1. Effectivement, tu as été plus emballé par le jeu que moi ! Mais tu mets bien avant ce qui m’a déçu dans le titre : les choix à court terme. J’aime beaucoup le choix de la narration avec la chronologie éclatée, mais j’ai pesté plusieurs fois sur des choix qui ne servaient à rien. Par exemple quand Jodie à un rancard et que je fais le choix de ne pas donner suite, alors qu’au début du chapitre suivant elle l’ambrasse. Le genre de détail qui m’agace sévèrement au niveau de l’identification avec le personnage ^^

    Un très bon article en tout cas ! 😉

    Aimé par 1 personne

    1. Tu es tout pardonné, j’ai moi-même des surprises en relisant des messages que j’envoie avant mon café, je sais ce que ça fait ! 😂

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    2. Merci beaucoup ! 😁

      C’est exactement ce que je voulais dire en disant que le jeu développe des éléments malgré nos choix. C’est vrai que c’est assez frustrant même si pour ma part j’avais choisi de développer cette relation, mais pour ceux qui voulaient s’y opposer ça doit bien casser le délire quand même.

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  2. Hello, jolie critique. Personnellement, j’ai préféré Heavy Rain. Beyond two souls a vraiment un côté immersif qui m’a touché, pendant certaines scènes. (Quand on se retrouve plongé avec des sans-abris, ou pendant la guerre)… Néanmoins, comme tu dis, nous avons moins d’influence et le scénario a un côté moins attrayant, selon moi. Les graphismes étaient vraiment poussés, et j’ai adoré la performance de Willem Dafoe. Par contre, sans vouloir paraître sexiste, j’ai trouvé peu crédible qu’une jeune fille ait connu des expériences aussi diverses et fortes, et survive à tout, de la sorte. Ou alors, simplement, la performance d’Ellen Page ne m’emballe jamais vraiment…

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    1. Hello, merci ! 😁 J’ai aussi préféré Heavy Rain que j’ai trouvé plus intense et plus intéressant d’un point de vue scénaristique.
      Pour ma part l’un des chapitres qui m’a le plus marqué, et ça peut paraître étonnant, c’est celui de la fête d’anniversaire. Il m’a vraiment fait mal au cœur, bien plus que ceux que tu as cités qui sont pourtant très touchants également. Mais je les ai trouvés un peu longs à vrai dire.
      Par contre je trouve ta dernière remarque non pas sexiste mais étonnante puisque les œuvres « girl power » comme celles-ci sont très courantes depuis les années 90. Après ça reste de toute manière de la fiction, homme comme femme, je pense que personne ne survivrait à autant de choses !

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    2. Oui, tu as raison pour l’aspect « girl power » et le fait qu’il s’agit d’une fiction, liée au paranormal qui plus est. Simplement, pour mieux m’exprimer, entre le choix de l’actrice et la grande variété des épreuves qu’elle vit; j’ai eu du mal à m’identifier au personnage… Alors que c’est crucial pour profiter à 100% de ce genre de jeux. Je me sentais plus impliqué émotionnellement dans Heavy Rain, par exemple, alors que l’ensemble est paradoxalement moins » touchant ». Enfin, voilà, ce n’est pas pour débattre, mais pour éclaircir mes propos. 🙂

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    3. Ah, je comprends mieux ce que tu veux dire ! Effectivement si tu n’as pas réussi à t’identifier à elle l’expérience n’a pas pu être aussi forte qu’Heavy Rain. Espérons que ce ne sera pas, ou moins, le cas avec Detroit !

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