C’est sans aucun doute l’un des événements annuels les plus attendus dans le monde du jeu vidéo : l’E3. L’an dernier, crise sanitaire oblige, ce salon que l’on se plaît à qualifier de « noël des gamers » se voyait purement et simplement annulé par l’ESA (Entertainment Software Association), la société organisatrice. Tel un coup de tonnerre dans l’industrie, beaucoup ont commencé à s’en inquiéter et à y voir un mauvais présage pour l’avenir de l’E3, qui sortait déjà de plusieurs années en demi-teinte. Ce n’était pas mon cas. Comme je le stipulais dans un article dédié, j’y voyais au contraire une opportunité pour les organisateurs et les éditeurs de prendre du recul et de repenser le salon pour trouver des moyens de l’améliorer, de le faire évoluer.

Je n’étais pas plus inquiet quant au fait que celui-ci risquait, pendant une année au moins, de se présenter sous un format entièrement numérique. Certes, la magie ne sera définitivement pas la même que lorsque tout le monde peut se réunir à Los Angeles pour des conférences animées sur scène, mais c’était justement l’occasion de tenter de nouvelles choses. À mes yeux, Sony nous a d’ailleurs prouvé avec son PlayStation Showcase du 11 juin 2020 qu’une simple conférence digitale peut avoir un impact significatif sur les joueurs. Après tout, difficile d’oublier ce show où ont été présentés Marvel’s Spider-Man: Miles Morales, Ratchet & Clank: Rift Apart, Returnal, Demon’s Souls, Resident Evil Village, Horizon Forbidden West, et j’en passe. Sans oublier la PS5 elle-même.

La tête sur les épaules, mais avec confiance

Vous l’aurez compris, j’étais donc plutôt confiant pour l’avenir de l’E3, quoi qu’il arrive. De fait, quand celui-ci a été officialisé par l’ESA début avril, j’étais forcément content. Je voyais déjà se profiler la belle semaine de conférences à suivre entre potes (ou en équipe pour le travail dans mon cas), d’autant plus que de nombreux éditeurs ont rapidement montré qu’ils étaient prêts à jouer le jeu. Pour autant, je restais conscient du contexte très particulier dans lequel on se trouve actuellement. Si le COVID-19 a fait des ravages l’an dernier, on en constate aujourd’hui encore les conséquences avec les reports qui continuent de se multiplier depuis début 2021 pour de nombreux jeux. C’est probablement pour cette raison que contrairement aux années précédentes où je me prenais à rêver des annonces les plus folles, je suis resté sur de grosses réserves cette année.

À vrai dire, je n’avais même aucune grosse attente particulière. Si j’espérais, comme toujours, quelques belles surprises, j’attendais surtout que tous ces jeux annoncés qui ont été reportés allaient repointer le bout de leur nez pour que l’on puisse avancer dans le calendrier et suivre leur évolution. J’aurais trouvé particulièrement risqué d’annoncer tout un tas de nouveautés alors même qu’une grosse partie des jeux annoncés précédemment ne sont toujours pas sortis. Bref, pour résumer tout cela un peu grossièrement, je me suis empêché de monter dans le train de la hype pour ne pas être déçu à l’arrivée. En prenant les choses comme elles viennent, il n’y a pas vraiment de raison de subir de quelconque désillusion. D’ailleurs, les premières conférences m’ont conforté dans cette idée. Mais rapidement, les choses se sont dégradées et ça, je dois dire que je ne l’avais pas vu venir.

Un début pourtant prometteur

Entrons maintenant dans le vif du sujet, si vous le voulez bien. Tout a commencé le 10 juin, avec le Kickoff Live! de Geoff Keighley qui a servi d’ouverture au Summer Game Fest. On a pu vivre une conférence assez complète et bien rythmée, quand bien même celle-ci n’était pas des plus transcendantes. Une bonne mise en bouche pour l’E3 en somme, qui s’est d’ailleurs clôturée sur l’une des annonces les plus attendues de cette année : Elden Ring (jeu qui ne m’intéresse pas le moins du monde de mon côté). On enchaîne le 12 juin avec la première conférence officielle de l’E3, signée Ubisoft, qui nous livre là encore une très bonne conférence bien rythmée. Celle-ci manquait peut-être d’une ou deux grosses surprises, mais elle était conforme à ce que j’attendais : elle nous a donné des nouvelles de jeux reportés (Rainbow Six Extraction, Riders Republic, Far Cry 6), tout en se laissant aller à de nouvelles annonces (Mario + The Lapins Crétins: Sparks of Hope, Avatar: Frontiers of Pandora).

Arrive alors la conférence Xbox/Bethesda le 13 juin. La première depuis le rachat de Bethesda par Microsoft. Celle qui avait, à mes yeux, le plus à prouver après les conférences ratées de 2020. Celle pour laquelle j’espérais voir la firme américaine dégainer enfin de grosses exclusivités, qui sont toujours inexistantes sept mois après le lancement des Xbox Series X|S. Et si je n’ai malheureusement pas forcément été satisfait sur ce point puisque la majeure partie n’arriveront pas avant 2022, force est de constater que ce fut une conférence parfaitement maîtrisée. Il y a eu de très belles annonces (Starfield, A Plague Tale: Requiem, Forza Horizon 5, et plus encore), le Xbox Game Pass continue de s’imposer comme un service mastodonte incontournable et, petit plus, Microsoft a su jouer le jeu sur la forme de la conférence. En résumé, pour le dire tout de suite : ce fut à mes yeux la meilleure conférence.

La présentation de Forza Horizon 5 reste l’une des plus impressionnantes de cet E3 2021

Comme à chaque E3, je ne m’attarderai pas sur la conférence de Nintendo qui a eu lieu le 15 juin pour la simple et bonne raison que cela fait de très nombreuses années que je ne suis plus client de leurs productions. Difficile, donc, de juger objectivement un catalogue pour lequel je n’ai aucun affect et dont je ne mesure absolument pas l’ampleur des annonces. Toutefois, attendant depuis près d’un an l’arrivée de la fameuse Nintendo Switch Pro afin de commencer à m’y remettre tranquillement, je suis forcément ressorti assez déçu de ce Nintendo Direct. Non pas parce que je croyais dur comme fer à ce qu’elle soit annoncée ce jour-là, bien au contraire, mais parce que je ne comprends toujours pas pourquoi le constructeur n’a pas profité d’un tel événement pour le faire. Cela aurait incontestablement été un moment fort de cet E3 qui, j’y viens, a ensuite enchaîné les erreurs.

Revenons au 13 juin. Peu de temps après la conférence Xbox/Bethesda, ce fut au tour de Square Enix de prendre la parole avec un Square Enix Presents qui aura duré près de 45 minutes. N’étant pas particulièrement fan du catalogue de cet éditeur non plus, je me suis pour ma part entièrement satisfait de la présentation de Life is Strange: True Colors. Cependant, force est de constater que la conférence en elle-même était loin d’être exceptionnelle pour un E3. Passer 20 minutes à présenter un jeu comme Marvel’s Guardian of the Galaxy, qui s’annonce tout aussi palpitant (sentez l’ironie) que Marvel’s Avengers n’était peut-être pas la meilleure des idées. Zapper totalement des titres particulièrement attendus par les joueurs comme Final Fantasy XVI ou Forspoken, quand bien même un deal marketing a été passé avec Sony, non plus. Sans oublier, de ce que j’ai pu voir, les déconvenues provoquées par Babylon’s Fall et Stranger of Paradise: Final Fantasy Origin.

> Retrouvez mon interview des développeurs de Life is Strange: True Colors

Entre problèmes de communication et d’organisation

Et puisque l’on parle de déconvenues, c’est à ce moment-là qu’elles ont réellement commencé à s’illustrer. Juste après le Square Enix Presents, nous avons pu assister à la conférence Warner Bros Games… qui était exclusivement dédiée à Back 4 Blood. Ce n’était pas une surprise puisque nous en avions été avertis quelques jours avant, mais cela reste pour moi un énorme problème. Pourquoi, dans un premier temps, annoncer une conférence qui n’en est pas réellement une et laisser planer le doute pendant plusieurs semaines quant à son contenu, et surtout, pourquoi ne pas profiter d’un événement tel que l’E3 pour mettre en avant de gros titres particulièrement attendus par les joueurs comme Hogwarts Legacy: L’Héritage de Poudlard, Gotham Knights et Suicide Squad: Kill the Justice League ? Cela n’a tout simplement pas de sens.

Retrouvez mon dossier vidéo sur Hogwarts Legacy et ses enjeux

Et c’est encore pire pour Bandai Namco, qui nous a fait exactement le même coup à la différence que dans leur cas, nous n’avons appris que le jour même que la conférence serait exclusivement dédiée à une interview concernant The Dark Pictures Anthology: House of Ashes. Un jeu que j’attends, certes, mais qui a déjà eu droit à son événement dédié en amont de l’E3 et qui, à lui tout seul, ne constitue absolument pas une conférence. Par-delà le gros problème d’organisation que cela illustre, je trouve que c’est tout simplement un manque de respect envers le public de l’E3, que l’on pousse à espérer des choses qui n’arriveront pas. Des choses qui, je préfère le préciser, ne sont pas forcément démesurées. Par exemple, il n’était pas déconnant d’espérer y voir une présentation un peu plus complète d’Elden Ring dont l’annonce a donc, pour une raison qui m’échappe totalement, été offerte à Geoff Keighley pour son Summer Game Fest.

On termine alors avec Capcom qui, pour le coup, a bel et bien fait une conférence, mais une conférence entièrement basée sur du vide. Entre l’annonce de futurs DLC pour Resident Evil Village qui s’est faite via un simple message écrit de quelques secondes sans le moindre détail, l’énième présentation de Monster Hunter Stories 2: Wings of Ruin et Monster Hunter Rise ou encore la bien trop longue séquence de gameplay de The Great Ace Attorney: Chronicles, ce n’était vraiment pas bon du tout. L’éditeur n’avait définitivement rien à présenter, et sa présence forcée à l’événement n’avait donc pas la moindre raison d’être. Ou auquel cas, encore une fois, il aurait fallu se montrer parfaitement clair bien avant quant à ce que l’on pouvait en attendre.

Une édition pleine de désillusions

Bref, même en tempérant mes attentes au maximum, il s’avère que je ressors déçu de cet E3 2021 qui, pour le coup, ne m’aura pas suscité la moindre hype une seule fois. Il y a eu de très belles annonces et de très belles présentations de la part de certains, mais rien qui ne soit fondamentalement surprenant et qui ne donne envie de se lever de sa chaise en s’arrachant les cheveux de bonheur. Chose que j’aurais aisément pu pardonner si la moitié de l’événement n’avait pas été une véritable désillusion en raison d’un gros problème de communication de la part des éditeurs. J’avais confiance en l’ESA pour profiter de l’année 2020 pour repenser son salon, et cela n’a visiblement pas été fait. Tout en gardant conscience qu’il ne s’agirait que d’un E3 de transition, j’ai été déçu de n’assister qu’à un enchaînement de conférences collées les unes aux autres sans effort de présentation pour certaines, et même sans volonté de présenter des choses concrètes pour d’autres.

Je ressors donc de cet E3 2021 avec un certain sentiment de trahison. J’ai envie de remercier Microsoft et Ubisoft pour avoir joué le jeu, là où d’autres ne s’en sont pas donné la peine et ont fait preuve d’une organisation déplorable que l’ESA aurait dû contrôler. J’ai d’autant plus de respect pour Konami, qui a préféré annuler sa présence en raison d’un manque de temps afin de pouvoir proposer (en tout cas on l’espère) une conférence à la hauteur des attentes des joueurs par la suite. Et je comprends désormais la décision de Sony et Electronic Arts, qui ont préféré faire l’impasse pour organiser leurs propres événements ultérieurement. Finalement, c’est à se demander si tout le monde n’aurait pas dû se contenter de faire pareil. Cela aurait sans doute évité de telles déconvenues qui font qu’aux yeux de beaucoup, on tient probablement l’un des pires E3.

Autant dire que ce n’est pas une telle organisation qui va rassurer les joueurs et l’ensemble de l’industrie quant à l’utilité de cet événement à l’avenir. L’ESA avait, d’une certaine manière, beaucoup de choses à prouver cette année, et elle a échoué. Il ne nous reste plus qu’à espérer qu’elle reprenne bien les choses en main pour l’E3 2022, qui pourrait être une édition mi-physique/mi-numérique, car l’année prochaine l’excuse de la transition et du COVID-19 ne marchera plus.

2 commentaires sur « E3 2021 : Une édition pleine de désillusions qui inquiète pour l’avenir »

  1. Je n’ai guère eu envie de suivre les conférences car j’ai jugé cela trop contraignant. Aussi, merci pour ton compte rendu. Je vois que de nombreux éditeurs n’ont pas pris l’E3 au sérieux. Comment expliques-tu cela ? Parce qu’ils sous-estiment l’événement numérique ? C’est bien dommage, en tout cas.

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    1. Je t’avoue que je n’en ai aucune idée. Je pense que tous les bouleversements liés au COVID-19 n’ont pas dû aider et qu’ils préfèrent ne pas trop s’avancer sur les annonces au cas-où. Ce qui reste, en soi, la meilleure chose à faire.
      Cela dit, quand tu vois que certains se sont amusés à faire des annonces avant l’E3 plutôt que de les garder pour le moment venu… C’est un peu étonnant. La communication des éditeurs est devenue très bizarre depuis l’an dernier.

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