Si le catalogue d’exclusivités de la PlayStation est assurément loin de manquer de licences phares, très peu peuvent se targuer d’avoir l’aura dont dispose God of War. En effet, en près de vingt ans d’existence, la série créée par Santa Monica Studio a toujours plus ou moins réussi l’exploit de se maintenir dans le haut du panier. Et c’est encore plus le cas depuis 2018, date à laquelle le fameux soft-reboot dirigé par Cory Barlog a permis de propulser la franchise a des sommets encore plus vertigineux. Cette suite était donc forcément extrêmement attendue par le public, d’autant en plus quand on connaît les enjeux qu’elle représente dans l’histoire de Kratos et d’Atreus. Mais God of War Ragnarök parvient-il réellement à se montrer à la hauteur des attentes ?
Test réalisé sur PS5 grâce à un code fourni par l’éditeur
Ragnarök is coming
L’histoire de ce nouvel opus se déroule environ trois ans après les événements de God of War (2018). Fimbulvetr, l’hiver qui précède le Ragnarök, touche à sa fin. Kratos et Atreus, eux, tentent désespérément d’empêcher que celui-ci ne se produise afin d’éviter que la terrible prophétie dont ils ont appris l’existence à Jötunheim ne se réalise. Mais le temps presse et les dangers se multiplient. Et puisque « tout à un prix », comme dirait un certain personnage, le père et son fils doivent désormais faire face aux conséquences de leurs actes, qui ont ébranlé bien des divinités au sein des Neuf Royaumes. Thor, Odin, Freya et bien d’autres encore sont prêts à demander des comptes aux deux héros, qui disposent heureusement de nombreux alliés à leurs côtés pour leur venir en aide. Mais dans un tel contexte, qui sont réellement nos alliés et nos ennemis ? Voilà l’un des nombreux sujets au cœur de ce God of War Ragnarök.

Une narration au sommet
C’est d’ailleurs probablement l’une des premières choses qui saute aux yeux lorsque l’on se lance dans cette nouvelle aventure. Si God of War (2018) disposait indubitablement d’une écriture hautement qualitative, sa narration, elle, n’était pas forcément exempte de défauts. Des défauts qui ont plus que largement été gommés ici, et qui permettent véritablement à cette suite de transcender sa prédécesseuse. God of War Ragnarök s’impose en effet comme un jeu extrêmement riche et généreux, avec un lore des plus fournis qui ne cesse de s’étoffer avec intelligence tout au long de sa quarantaine d’heures de jeu (pour les plus complétistes). Si on pourrait parfois lui reprocher de se montrer un peu trop bavard – surtout quand il s’agit de nous spoiler les énigmes au bout de 10 secondes… –, on ne cesse pourtant de s’émerveiller face à un tel niveau d’écriture, qui nous dépeint un univers d’une consistance remarquable tout en mettant en scène des personnages tous profondément charismatiques et attachants. Et avec une VF d’exception, cette fois encore !


À la fois émouvante, drôle et épique, cette suite s’avère également être un puits permanent de savoir, que ce soit sur la mythologie nordique dans son ensemble ou même sur la licence. Car oui, les phases de gameplay continuent d’être propices à de longues discussions entre les protagonistes, avec notamment un Kratos qui n’hésite plus à se confier sur ses aventures passées auprès de ses acolytes. Un joli clin d’œil pour les fans donc, qui peut également permettre aux nouveaux venus de raccrocher plus ou moins les wagons. Plus intéressant encore, Santa Monica n’a pas hésité à prendre quelques risques au passage, en optant par exemple pour des choix narratifs qui permettent d’amener la série sur un nouveau terrain… de la même manière qu’un certain The Last of Us Part II récemment. Et si nous n’en dirons pas plus à ce sujet pour conserver la surprise intacte, il est clair que cela a permis d’apporter beaucoup de fraîcheur à cette seconde aventure.
Une suite un peu trop sage
Mais après tous ces éloges, il convient tout de même de le dire : God of War Ragnarök n’est évidemment pas parfait pour autant. Comme nous avons pu le souligner, il s’agit d’un titre extrêmement généreux dans sa narration. Et si tout ce qu’il nous raconte est assurément intéressant, force est de constater qu’il peut tout de même avoir tendance à vouloir trop en faire. On comprend bien sûr la volonté du studio de couvrir le maximum de terrain, surtout en sachant qu’il s’agit du dernier opus au cœur de cette mythologie, mais cela tend malheureusement à créer d’évidentes longueurs qui auraient facilement pu être évitées. On ne compte par exemple plus les séquences de jeu qui s’étendent encore et encore sur de longs couloirs au profit du scénario, sans s’avérer particulièrement intéressantes d’un point de vue gameplay. Et dans le cas présent, cette approche est d’autant plus dommageable qu’elle nuit énormément à ce qui aurait dû être l’une des plus grandes forces de cet opus : sa tension.

Le nom même du jeu est là pour en témoigner, cette suite est supposée mettre en avant le Ragnarök et tout ce que cela implique. Pourtant, et bien qu’il soit constamment présent en toile de fond, celui-ci n’intervient que beaucoup trop tardivement au cours de l’aventure… en plus de n’y occuper qu’une place mineure. Autant dire qu’il y a de quoi être déçu sur ce point, puisque cela fait de God of War Ragnarök une suite bien trop sage par rapport aux attentes que l’on pouvait en avoir. Cela n’empêche pas ce dernier de bénéficier d’une mise en scène – toujours en plan-séquence – particulièrement léchée, que ce soit au niveau des environnements ou des combats de boss notamment, mais on reste malheureusement assez loin de la grandeur et de l’audace que pouvait proposer la licence par le passé. Une belle occasion manquée donc, puisque s’il y a bien un événement qui aurait pu être propice à une telle approche, c’est justement le Ragnarök.
Bien plus qu’un « God of War 1.5 »
Si vous avez joué à God of War (2018), vous ne serez aucunement dépaysé par le gameplay de ce nouvel opus, qui reprend la même formule que son prédécesseur à tous les niveaux. Toutefois, à l’instar d’un Horizon Forbidden West par exemple, Santa Monica a profité de l’occasion pour l’enrichir et la perfectionner afin de rendre l’expérience de jeu plus complète encore. Du côté des combats, on se retrouve ainsi avec une approche se voulant plus dynamique en misant davantage sur la verticalité et le mouvement, tandis que Kratos voit son arsenal s’enrichir d’une arme supplémentaire – qui sert aussi l’exploration. Jongler avec l’ensemble permet alors de réaliser de sacrés combos, tout en sachant que chacune des armes possède son propre arbre de compétences et son lot d’attaques spéciales (dites « runiques ») à utiliser. De quoi permettre à chacun de trouver chaussure à son pied donc, tout en multipliant les possibilités et les techniques de combat durant les affrontements.



On apprécie d’ailleurs le fonctionnement de l’arbre de compétences, qui permet non seulement d’activer ou de désactiver une compétence achetée à notre guise, mais aussi de la booster avec une modification supplémentaire lorsqu’elle a été utilisée un certain nombre de fois. Cela nous motive en effet davantage à explorer l’étendue des capacités du gameplay, tout en nous poussant à miser sur la technique plutôt que sur un simple bourrinage aléatoire des touches. À noter au passage qu’Atreus fait évidemment son retour en tant que personnage soutien aux côtés de Kratos, et que son IA comme sa panoplie d’attaques restent d’une grande aide lors des combats. Cela étant dit, sachez que God of War Ragnarök réserve également bien d’autres surprises au cours de l’aventure… et c’est précisément ce qui lui permet de ne pas être un simple « 1.5 » comme certains s’amusent pourtant à le dire, car il ne manque clairement pas de petites nouveautés de gameplay.
En revanche, aucune nouveauté majeure n’est à signaler du côté du système d’amélioration des équipements, qui se situe dans la droite lignée de ce que pouvait proposer le premier épisode. Tout au long de la progression, il est ainsi possible de récupérer et d’équiper divers éléments (armures, attaques runiques, amulettes, etc.) qui confèrent toutes sortes de statistiques à Kratos et à son accompagnateur. Il est ensuite possible de les améliorer auprès de Brok et Sindri afin d’en booster les capacités. Malheureusement, il faut le dire : ces mécaniques de light-RPG ne sont définitivement pas le point fort du studio. En plus d’avoir une utilité plus que douteuse sur le gameplay, qui semble parfois adapter le niveau des ennemis à l’équipement porté, on se retrouve constamment noyés sous une pluie d’informations et de statistiques dont il est difficile de saisir l’intérêt. Et ce n’est pas l’interface complètement ratée des menus qui nous aide dans cette périlleuse entreprise.

Heureusement, Santa Monica semble avoir parfaitement conscience de ce problème puisqu’il est possible d’opter pour un ajustement automatique de tous ses équipements par le biais d’une simple touche. Une alternative extrêmement bienvenue donc, qui n’empêche toutefois pas de remettre largement en question de l’intérêt de cette approche light-RPG pour la licence. Bien sûr, on se doute que celle-ci n’est présente que pour appuyer la structure plus ouverte de cette nouvelle formule et justifier l’exploration. Mais à défaut de la supprimer, peut-être conviendrait-il de la revoir de fond en comble pour la rendre plus intéressante. Et si l’on devait se montrer quelque peu tatillon, on pourrait également regretter le fait de ne pas réellement ressentir la « lourdeur » du personnage que l’on incarne, ni même l’impact des coups qu’il inflige. Mais pour alors, il faut avouer qu’il s’agit moins de véritables défauts que d’une envie personnelle.
Un endgame révélateur
Pour en finir au sujet des combats, on ne peut s’empêcher de revenir sur un élément assez surprenant qui, étonnamment, n’apparaît que durant les quêtes annexes : le manque d’équilibre de la difficulté du jeu. Ce n’est pas nouveau puisque God of War (2018) avait déjà donné le ton, mais God of War Ragnarök est un jeu qui peut parfois s’avérer exigeant, même en mode Normal. Les combats de boss, principalement, sont particulièrement intenses et nécessitent non seulement une lecture attentive des attaques de son adversaire, mais aussi beaucoup de réactivité, de patience et de maîtrise. Cependant, à l’instar des Valkyries du premier opus, cette suite offre son lot de boss optionnels… dont le niveau est parfois si élevé que cela fait émerger de nombreux problèmes de gameplay qui n’apparaissent pas forcément lors de la campagne.

En effet, sachant visiblement que seuls les joueurs les plus déterminés se tourneraient vers ces contenus supplémentaires, Santa Monica a semble-t-il décidé de s’en donner à cœur joie sur le niveau de difficulté. Il en résulte alors des boss non seulement ultra résistants, mais aussi et surtout bien trop dynamiques par rapport au gameplay de Kratos. Par conséquent, ce dernier a trop souvent du mal à suivre la cadence, faisant de la lenteur de ses attaques ou de ses réactions une source de frustration, tandis que la caméra et le système de lock en arrivent à être complètement aux fraises. De même, il devient extrêmement difficile d’utiliser le bouclier avec le bon timing, ce qui nous dessert plus qu’autre chose, tandis que la réactivité de Kratos à changer d’équipement dans l’urgence en prend un sacré coup. Bref, ce qui devait sans doute être un défi de gameplay endgame devient surtout une usine à frustration gratuite, ce qui est tout de même un peu dommage…
Un jeu (trop ?) généreux
Généreux dans sa narration, God of War Ragnarök l’est également beaucoup dans son contenu. Il l’est même davantage encore que son prédécesseur, puisque cette nouvelle aventure nous amène à explorer les Neuf Royaumes, bien que certains d’entre eux soient moins ouverts que d’autres. Au fil de la progression, ce sont donc tout un tas d’activités annexes et secondaires qui s’offrent à nous, la majorité étant dans la continuité directe de ce que proposait déjà l’épisode de 2018 (coffres à ouvrir, artefacts à débusquer, ennemis spéciaux à vaincre, ressources à récupérer, oiseaux d’Odin à détruire, etc.). Bref, ce ne sont pas les choses à faire qui manquent. Mais là encore, il faut tout de même avouer que le jeu aurait sans doute gagné à se montrer un peu moins gourmand à ce niveau-là, certains éléments frisant allègrement le remplissage artificiel.


Ce n’est heureusement pas le cas des quêtes annexes scénarisées, qui ont quant à elles bénéficié d’un grand soin de la part de Santa Monica. Destinées à approfondir le lore du jeu, elles permettent par exemple parfois d’apporter des réponses à des questions laissées en suspens par l’histoire principale, ce qui motive d’autant plus à l’idée de ne pas les laisser de côté une fois l’aventure terminée. Pour les autres, elles permettent ni plus ni moins que d’explorer plus en profondeur la richesse de la mythologie nordique, qui est bien souvent reliée avec une ingénieuse pertinence aux différents personnages que l’on rencontre. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on aurait préféré que le studio mise davantage sur ce genre de contenus plutôt que sur les collectibles à n’en plus finir, même si cela a parfois été fait avec une certaine originalité (les « Poèmes de Kvasir » notamment…).
Une merveille de la PS5
Sur le plan technique, difficile de reprocher quoi que ce soit au dernier né de Santa Monica. Sans pour autant aller jusqu’à procurer le même effet « wahou » qu’Horizon Forbidden West ou The Callisto Protocol dernièrement, God of War Ragnarök n’en demeure pas moins une réussite visuelle absolue à tous les niveaux. À commencer par la direction artistique, qui multiplie les royaumes à l’ambiance extrêmement variée et dont l’approche est d’ailleurs toujours très différente de celle qu’ils pouvaient arborer dans l’épisode précédent. Le rendu des visages, au même titre que les nombreux effets visuels, est également bluffant de réalisme et permet de lire avec une grande aisance les émotions des personnages. Dans l’ensemble, on peut même dire que dans la pure tradition des exclusivités PlayStation, le titre bénéficie d’un sens perpétuel du détail, et on ne s’en lasse pas.
On lui pardonne ainsi aisément les rares petits ralentissements qui peuvent parfois survenir ici et là, en tout cas avec le mode graphique (4K et 30 FPS) sur PS5. Enfin, dernier point et non des moindres, cette version bénéficie au passage d’une exploitation exceptionnelle de la DualSense, et ce aussi bien durant les phases de gameplay que durant les cinématiques. Les retours haptiques sont extrêmement nombreux en toutes circonstances, les gâchettes adaptatives sont mises à contribution lors de l’utilisation des armes de Kratos et le haut-parleur de la manette est parfois lui aussi utilisé afin de renforcer l’immersion. Bref, au vu des dernières sorties majeures, cela a de quoi rassurer sur la capacité des studios à exploiter cet atout comme il se doit, même si on continue d’espérer atteindre un jour un niveau d’exploitation aussi élevé que sur Astro’s Playroom.
Conclusion
Une fois la claque de la révolution de 2018 passée, God of War Ragnarök parvient-il à se montrer à la hauteur de son prédécesseur ? La réponse est oui, assurément. Et il fait même mieux que cela, puisqu’il parvient aussi à le surpasser sur presque tous les points. S’il en reprend évidemment la formule, cela ne veut pas dire pour autant qu’il se repose sur ses lauriers. Avec cette suite, Santa Monica a réellement peaufiné sa copie en ajoutant ici et là un tas de petites nouveautés, qui suffisent largement à approfondir l’expérience tout en lui évitant de tomber dans l’écueil des suites dites « 1.5 ». Plus riche et surtout plus profond, ce second et dernier opus au sein de la mythologie nordique offre ainsi une conclusion mémorable aux aventures de Kratos et Atreus, qui nous fait alors rapidement oublier les quelques imperfections qui peuvent parfois ponctuer le voyage.
Je partage ton point de vue sur les défauts du jeu. Les boss optionnels sont assez compliqués et les menus peu intuitifs. Par dessus tout, la narration a un rythme ciselé et ne sait parfois pas trop où en venir avec ses histoires de destinée. Si j’ai été mitigée par la quête principale, je dois toutefois admettre que j’ai été passionnée par la partie exploration (je parle plus des nouvelles zones à découvrir que des collectibles) ou les dialogues entre les personnages, qui les rendent vraiment attachants. Si bien que, des mois après, le jeu a marqué mon esprit et me manque parfois.
J’aimeJ’aime