Le 14 février 1996, soit il y a tout juste 22 ans, la comédie fantastique Jumanji réalisée par l’américain Joe Johnston faisait son apparition dans nos salles de cinéma françaises. Adapté du livre éponyme écrit par Chris Van Allsburg et paru en 1981, le film raconte l’histoire d’un mystérieux jeu de société intitulé Jumanji, dont le déroulement s’avère bien particulier : toute personne désirant y jouer prend le risque d’attirer dans le monde réel toutes sortes de dangers qui ne disparaîtront qu’une fois la partie terminée. Nul besoin d’en dire plus à priori, Jumanji étant devenu une véritable référence cinématographique dans laquelle le regretté Robin Williams (Madame Doubtfire) et Kirsten Dunst (Spider-Man), entre autres, se sont illustrés.
En considérant le succès de ce film qui a bercé l’enfance et l’adolescence de toute une génération, c’est sans surprise que l’annonce du retour de la franchise par Sony Pictures Entertainment en 2015 a fait grincer beaucoup de dents. Après divers changements de direction, ce nouveau projet réalisé par Jake Kasdan est finalement sorti sur nos écrans le 20 décembre 2017 sous le nom de Jumanji : Bienvenue dans la jungle. Mais alors, le résultat est-il à la hauteur du mythe original ? Réponse tout de suite.
Remake, reboot ou suite directe ?
À l’origine prévu pour être un simple remake, le projet a fini par devenir une véritable suite prenant toutefois quelques allures de reboot. En effet, le film de Johnston prenait fin en 1995 sur un plan où l’on pouvait apercevoir le jeu de société échoué sur une plage après avoir été jeté à la mer par les protagonistes. Celui de Kasdan, dans une logique de continuité, s’ouvre sur une séquence se déroulant en 1996 et nous montre la découverte du jeu par un joggeur… sur une plage. Ce dernier décide alors de le ramener à son fils qui n’y prête guère attention puisqu’il est trop absorbé par sa console. Après tout, comme il le dit, « qui s’intéresse encore aux jeux de société ? ». Mais la nuit suivante, Jumanji se transforme soudainement en jeu vidéo et parvient ainsi à attirer l’attention du jeune homme. Après avoir inséré la cartouche dans sa console, il disparaît mystérieusement, aspiré par son écran. Vingt ans plus tard, quatre lycéens se trouvant en retenue tombent par hasard sur la même console et décident de lancer une partie, ce qui leur vaut d’être aspirés à leur tour. Jumanji 2.0 peut alors commencer.
Du jeu de plateau au jeu vidéo, il n’y a qu’une nuit
Aucun doute à avoir, donc, dans la forme il s’agit bel et bien d’une suite. Mais dans le fond, difficile de ne pas remarquer les airs de reboot. Pour cause, en plus d’être doté d’une introduction dont le déroulement est relativement similaire à celle du film original (découverte inopinée du jeu et disparition d’un personnage), Jumanji : Bienvenue dans la jungle se permet de se réapproprier le concept de l’histoire pour l’adapter à l’ère qui est la notre aujourd’hui, c’est-à-dire l’ère du numérique. Exit Jumanji le jeu de société, bonjour Jumanji le jeu vidéo. Un choix extrêmement judicieux qui permet au film de 1996 de garder sa grâce intacte tout en permettant à celui-ci de traiter le phénomène sous un angle plus moderne qui touchera aussi bien les nouvelles générations que les anciennes.
On peut en effet remarquer que ce deuxième épisode n’hésite pas à multiplier les références intergénérationnelles. Par exemple, on peut voir dans le format du jeu en lui-même un clin d’œil au rétro gaming puisqu’il s’agit d’une cartouche à insérer dans la console comme on pouvait le faire dans les années 1990. De plus, lorsque les quatre lycéens tombent dessus en 2016, elle leur apparaît presque déjà comme une antiquité poussiéreuse et mystérieuse. Au contraire, et c’est sur ce point que le propos du film prend le contrepied de l’original, ce sont cette fois-ci les protagonistes qui sont attirés dans le jeu et non plus l’inverse, fait que l’on peut voir comme une allusion directe à la réalité virtuelle qui se démocratise de plus en plus avec le temps.
Il semble ainsi indéniable que les scénaristes se sont donnés beaucoup de mal afin de donner à cette suite, très décriée avant même son arrivée, une véritable identité et légitimité. La pertinence des propos et de l’univers défendus nous permettent d’ailleurs de passer outre l’abrupte et inexpliquée ficelle scénaristique utilisée pour transformer le jeu de plateau en jeu vidéo, de même que le curieux hasard ayant permis à la console d’un jeune garçon de tomber entre les mains de quatre lycéens, vingt ans plus tard, dans le local abandonné d’une école publique…
Comédie x Jeu vidéo : un bon mélange ?
Reste alors un facteur souvent synonyme d’inquiétude au cinéma : la manière dont le monde du jeu vidéo est représenté. Tandis que les comédies tombent souvent dans les travers de l’accumulation de clichés et de stéréotypes peu reluisants et représentatifs, Jumanji : Bienvenue dans la jungle parvient à s’approprier les codes de l’univers vidéoludique afin de les réutiliser avec force et intelligence. On se plaira ainsi à découvrir tout au long de l’aventure les nombreux éléments constitutifs du jeu vidéo qui ont été implantés et parfois détournés avec beaucoup d’humour tels que les quêtes à accomplir, la présence des PNJ (personnage non-joueur) et de leur comportement si particulier, la map qui se dévoile au fur et à mesure de l’avancée des héros, le nombre de vie limité, le sac-à-dos à la capacité de contenu infinie, le team kill, la coopération et quelques autres surprises encore.
Cela se retrouve jusque dans la personnalité des avatars représentés qui incarnent tous un stéréotype bien défini avec leurs points forts et leurs points faibles. Un fait qui a d’autant plus d’impact qu’ils se révèlent être l’exact opposé de la personnalité originelle des lycéens qui était déjà stéréotypée. Spencer, le gentil garçon timide et effacé devient le Monsieur Muscles que rien ne peut arrêter (Dwayne Johnson), Fridge, l’armoire à glace sportive devient le petit homme aux capacités physiques limitées (Kevin Hart), Martha, la fille timide que personne ne regarde devient la femme fatale (Karen Gillan) et Bethany, la bombe populaire et narcissique du lycée devient le vieux gros lard passionné de sciences (Jack Black).
Tout cela, associé à un jeu d’acteur de qualité, à une réalisation aux petits oignons et à un rythme sans aucun temps mort, donne alors lieu à une excellente comédie dont les gags parviennent sans la moindre difficulté à nous arracher quelques rires tout en laissant place, par moments, à un brin de nostalgie grâce à la présence de clins d’œil au film de 1996 savamment disséminés. On regrettera néanmoins le fait que l’exploitation de l’univers vidéoludique, si bien réalisée au début, soit assez rapidement abandonnée au profit d’un format plus classique, ainsi que le manque de saveur de l’antagoniste qu’on ne voit par ailleurs que très peu.
C’est donc avec un immense sentiment de satisfaction que l’on ressort de cette séance de cinéma : non seulement la réputation du film original demeure intacte mais en plus Hollywood parvient enfin à nous offrir un film qui respecte l’univers du jeu vidéo, sans pour autant se retenir de se moquer de l’absurdité de certains éléments qui le constituent. Autant le dire clairement, cette suite est une pure réussite bourrée d’humour à savourer sans la moindre hésitation. En 2D, par contre, puisque la 3D apparaît malheureusement davantage comme un accessoire que comme un véritable complément du film qui vaut la peine qu’on débourse quelques euros supplémentaires.
Hey, très bonne critique. Naturellement, Jumanji est aussi un film de mon enfance. Ah, la confusion entre suite et reboot est à la mode. Moi j’appelle ça des remakes déguisés. Pour certains, on voit vraiment qu’ils copient le scénario initial en rajoutant quelques ingrédients plus modernes… Bien sûr, je ne juge pas Jumanji, ne l’ayant pas vu. J’admets que j’avais plutôt peur, mais il m’intrigue vraiment, suite à ta critique plutôt élogieuse. Je serais curieux de voir les références parodiques faites aux jeux vidéos ou de voir ce que donne le personnage de Jack Black, qui est presque trans pour le coup xD Et si c’est une bonne comédie, ma foi… Allez, à bientôt !
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Hey, merci ! 🙂
Sache qu’effectivement, ce Jumanji est très différent de l’original. Il en reprend le concept, qu’il adapte à sa sauce comme je l’ai dit, mais l’ambiance n’est absolument pas la même : il est beaucoup plus axé comédie et légèreté. Là où le premier film nous filait des frissons à chaque coup de tambours, ici ce n’est pas vraiment le cas. Ce n’est ni un remake, ni un reboot, ni une suite à proprement… c’est un peu tout et aucun à la fois. C’est un film qui se suffit à lui-même dirons nous.
Ceci dit, comme la plupart des critiques que j’ai lues, je suis certain qu’il pourra te plaire, il en a surpris beaucoup. Encore plus sachant que le film est inspiré d’un RPG, je sais que tu aimes ça ! 😉 Quant au personnage de Jack Black, c’est effectivement l’un des plus marrants et en même temps l’un des plus touchants.
Merci pour ton commentaire et à bientôt !
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Je pense que je le verrai. Peut-être pas au cinéma, mais je t’en donnerai des nouvelles. 😉
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Belle critique !
J’ai passé un bon moment devant le film, je n’attendais rien, je ne voulais pas faire de comparaison, je suis partie dans l’optique que c’est un nouveau film ! Et ça fonctionne, j’ai trouvé les acteurs bien, le côté humour amène de la légèreté, et malgré tout on a bien le principe du jeu, tout ça à la sauce de jeu vidéo c’est top ! ça fonctionne !
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Merci ! 🙂 J’en attendais rien non plus et je pense que c’était le mieux à faire. Mais c’est bien de voir que même ceux qui s’attendaient à ce que ce soit de la merde ont été agréablement surpris.
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